Printemps 2019. « Je suis obligé de partir chercher de l’argent pour trouver à manger. »

« J’ai 31 ans. Au pays, je n’ai pas de parents : mon père est mort, il y a ma mère seulement là-bas. C’est pour ça que je suis parti, on n’a pas le choix, il faut trouver du travail, j’ai mon petit frère là-bas : il ne peut pas travailler, je suis obligé de partir chercher de l’argent pour trouver à manger.

Je suis parti d’abord en Guinée travailler avec l’or. Je conduisais la moto-taxi, j’emmenais les gens qui remplissaient la machine, puis je transportais la machine pour procéder à l’extraction de l’or. On était en brousse. Une fois j’ai été attaqué par des bandits qui nous ont arrêtés en brousse. Je suis tombé par terre sous leurs coups, des gens m’ont emmené au dispensaire. On m’a donné des médicaments, mais ils n’ont pas fait de radio. Je n’ai pas eu mal tout de suite.

Au bout d’un mois j’ai commencé à avoir mal à la tête et aux yeux, j’ai commencé à voir très mal (vue brouillée), ensuite la douleur est descendue jusqu’au milieu de la poitrine. Je ne peux pas dormir car j’ai très mal dès que je me couche. Je suis retourné au dispensaire et j’ai demandé à faire une radio. On a fait la radio et les médecins m’ont dit que j’ai un problème à l’os, qu’il faut que je laisse le piment avec le citron, ne pas manger beaucoup de riz, ils m’ont donné des médicaments que j’ai pris, mais toujours ça ne va pas. Je suis tout le temps obligé de me frotter les yeux, c’est très dur de lire une feuille, même de lire un numéro : aujourd’hui encore quand je prends le bus, parfois je rate l’arrêt car je n’arrive pas à lire le panneau.

J’ai été obligé d’arrêter mon travail à cause de la maladie des yeux, j’ai décidé de venir en France pour pouvoir me soigner très bien, et après pour travailler. En Guinée, il y a beaucoup de bandits qui attaquent les gens sur les routes en brousse. C’était trop dangereux de rester là-bas.

Je suis passé par le Maroc. J’ai fait deux mois là-bas. Je suis arrivé en Espagne. J’ai été dans un camp pendant six jours. Au bout du sixième jour les gérants nous ont dit qu’il n’y a plus de place pour nous, qu’on doit partir et aller où on veut. Je suis venu ici. »