Automne 2020. « Chaque jour on me maltraite… »

« A cause du divorce de mes parents, ma mère est partie au village et mon père est resté à la capitale, je suis resté du côté de mon papa, ainsi que ma petite sœur. Je n’ai pas fréquenté l’école, j’accompagnai mon papa au travail. Parfois je partais faire les cours d’arabe, la nuit, quand on rentrait à la maison avec mon père après le travail.

Mon père disait que l’école, ça gâte la tête d’un enfant, il ne cherchait que l’argent seulement.  

On faisait le commerce. On vendait de la friperie au marché, tous les jours sauf le samedi et dimanche. Je restais la journée assis à côté de mon père, la nuit on retournait à la maison.

Les samedis et dimanches, mon père ne va pas au travail, ni moi non plus. Mon père était marié à une deuxième femme, je me retrouvais avec ma marâtre et son fils, mon demi-frère, qui était plus âgé que moi.

Ma marâtre ne nous aimait pas, elle et son fils nous frappaient, ma petite sœur et moi. Beaucoup de fois elle nous envoie pour chercher l’eau dans le marigot, car il n’y a pas de robinet dans la maison.

Le fils de ma marâtre frappait aussi sa propre mère, souvent il ne parle pas, il fait palabres seulement quand mon père est là.

Souvent quand on me frappait, je sortais de la maison et je partais dans une cour voisine. Il y avait un vieux là-bas, je lui expliquais ce qui se passait. Il a dit qu’entre les deux parents, il ne peut pas mettre sa bouche dans le problème.

Chaque jour, on me maltraite, ça fait que je suis parti dormir dehors.

Ce vieux a dit qu’il n’a pas de solutions ici. Comme il a des enfants, trois fils, qui prenaient la route de la Libye, seule solution : je peux t’aider à partir avec mes enfants pour la Libye.

On a quitté le pays ensemble, les trois fils du vieux et moi, et on est venu au Niger, puis en Libye. Ma sœur est restée au pays.

J’ai passé un mois au Niger, un mois en Libye : c’est le vieux qui envoyait l’argent pour qu’on vive.

En Libye : tour à tour, groupe par groupe, on nous envoie sur l’eau ; c’est le passeur qui a mis les trois fils du vieux sur l’eau pour aller en Italie ; trois jours après, il m’a mis dans le bateau aussi pour entrer en Italie.

Je me suis trouvé dans un “campo” réservé aux mineurs en Italie, à Calabria, avec des petits enfants arabes au milieu de nous. Je ne comprenais pas la langue italienne.

Je voulais sortir pour venir en France, Je me suis caché dans le train, jusqu’à Rome avec beaucoup de petits arabes, tous cachés.

Arrivés à Rome, il faisait nuit, on a dormi à la gare, le matin un train est venu, on s’est caché dedans et on s’est retrouvé à Vintimille.

De Vintimille, on est arrivé à Cannes. On a pris le train jusqu’à Lyon, on a pris un autre train pour aller à Paris. Je suis arrivé à Paris à la gare, mais je ne sais pas quelle gare au juste.

Quand on est sorti de la gare avec les autres enfants on est allé dans un petit café, on s’est renseigné où on peut partir. Des gens du café ont appelé le 115 qui ont donné l’adresse de la Croix Rouge Couronnes et les gens du café nous ont indiqué le chemin pour y aller. »