Le travail d’Assemblées et l’égalité constitutive du collectif complexe et changeant qui les compose demandent une médiation dirigeante interne. L’égalité réelle suppose l’existence d’une direction des Assemblées. Cette direction est à ce jour restreinte, car les conditions d’un véritable travail d’Assemblée sont si délicates qu’il est inévitable que le nombre de ceux qui sont en état de garantir leur tenue soit au départ petit. En revanche, il est très nécessaire que cette capacité puisse s’étendre, au fur et à mesure que cette façon de travailler est éclaircie, partagée et maîtrisée.
Les tâches de ceux qui orientent ce travail sont : 1°) être en état de formuler en introduction une proposition consistante susceptible d’ouvrir à une véritable discussion de fond ; 2°) être en état de tenir compte à chaque étape de la discussion de l’avancée réelle de celle-ci, de sorte que toutes les idées exprimées soient réellement collectivement traitées, y compris celles qui s’avéreront de l’avis général tout à fait fausses, ou des impasses, que la pensée collective devra surmonter ; 3°) être attentif à ce que tous ceux dont l’intervention est susceptible de faire avancer la discussion le fassent, quand bien même ils restent en retrait de la discussion, pour une raison ou une autre ; 4°) ne pas laisser la discussion s’ensabler dans d’inutiles polémiques et bavardages, car la dérive polémique est toujours en réalité le signe de ce que des différences et des désaccords de fond restent informulés, et parvenir à les mettre sur la table est la condition pour que la discussion redevienne possible et sérieuse ; 5°) être en état, enfin, d’identifier le moment où l’Assemblée est arrivée au bout de son travail, dans la mesure où un pas réel et identifiable a été franchi.
Il faut prendre sérieusement la mesure de ce que permet une telle médiation dirigeante : que la pensée collective ait réellement lieu, qu’elle produise des idées nouvelles, qu’elle aille réellement d’un point A à un point B, de telle sorte que tous ceux qui sortent de telles Assemblées aient chaque fois conscience, autant que possible, que quelque chose s’est subjectivement transformé pour eux-mêmes, et que personne ne peut plus tout à fait penser, au terme d’un processus entier de travail d’Assemblées, ce qu’il pensait avant d’y avoir participé.
Cela peut s’apprendre. Et l’on observe souvent que, selon le sujet traité, c’est tel ou telle qui va être en position d’orienter le travail commun.