L’École des Actes est une micro-institution socio-culturelle, expérimentale et innovante. Elle a été pensée dès l’origine comme un lieu de formation et de professionnalisation, à destination des plus précaires. Ayant à cœur d’être au plus près des besoins et des désirs des gens, sans plaquer sur les populations des idées préconçues, l’École des Actes a développé une méthode pédagogique nouvelle, mélange d’enquêtes et d’écoute, inscrivant son action dans un temps long et patient. Cette méthode innovante garantit l’efficacité des actions menées : les participant·es se sentent impliqué·es dans les activités, qui abordent des thèmes qui les concernent directement. Le taux de suivi et d’engagement est très important. Les volontaires de l’association connaissent chaque participant·e individuellement, son parcours, les difficultés qu’il ou elle traverse, et peuvent lui proposer une offre personnalisée de suivi. Aujourd’hui, l’association répond à des besoins qui dépassent celui de la simple formation.
Par sa vocation culturelle, l'École des Actes est un lieu d'animation sociale et artistique de quartier et de rencontre entre primo-arrivant·es, riverains, bénévoles, artistes. Par la diffusion de ses productions, elle est de dimension nationale ; par ses partenariats, internationale.
Son public
L’École des Actes est installée à Fort d’Aubervilliers dans un QPV dont le taux de pauvreté est de 43,7%, ce qui en fait la ville de plus de 40 000 habitants la plus pauvre de France. L'association est au service des habitant·es les plus précaires d'un territoire marqué par la jeunesse, une forte croissance démographique et une forte concentration de la population étrangère (37%, 116 nationalités) : ces caractéristiques créent des besoins spécifiques.
Le projet de l'École des Actes vise à offrir un espace de mixité sociale et générationnelle dans lequel les personnes exilées et les personnes précarisées de Seine-Saint-Denis peuvent s'engager ensemble dans un parcours original. Plus précisément, le public de l’École des Actes souffre d’une pluralité de précarités : matérielle, scolaire, linguistique, émotionnelle…
Les Assemblées
Ce qui rend l’École des Actes unique et innovante, c’est son mode de fonctionnement : toujours à l’écoute des personnes avec qui elle œuvre, elle a inventé des mécanismes, notamment les "Assemblées", qui permettent à la fois de recueillir la parole de chacun·e et de créer un discours collectif. Les Assemblées travaillent à constituer une connaissance directe des situations de notre monde, non pas au travers de savoirs déjà existants, mais à partir de l’expérience et de la parole des gens eux-mêmes. Elles travaillent aussi à identifier ce qui manque et elles sont à la base même de toute action déployée par l’École des Actes.
Toute personne participant aux activités de l’association peut se joindre aux Assemblées. Chacune commence par une introduction, proposant une méthode de discussion autour d’une question posée par les participant·es lors de rendez-vous individuels, ou lors des précédentes Assemblées. Les discussions sont prises en note, puis réorganisées sous forme de déclarations communes pour l’Assemblée suivante : si tou·tes ne manifestent pas leur accord, ces déclarations sont retravaillées. Ces idées constituent, ensuite, les fondements de l’action de l’École des Actes en tant qu’acteur socio-culturel : elles sont à l’origine de chaque nouvel atelier, chaque nouvelle initiative, mais aussi elles peuvent exiger l’évolution ou la réforme des actions mises en place.
Grâce à ce travail patient d’écoute et de discussion, un lieu se crée où les personnes sont à l’origine même des projets qui leurs sont proposés : le public bénéficiaire a été lui-même acteur de la création de toutes les activités de l’École des Actes. L’association se place au plus près des besoins et des désirs des gens. Cette méthode s’appuie nécessairement sur la construction d’une très grande confiance commune, créatrice de liens.
Les leçons de français
Lors de la création de l’École des Actes, les premières enquêtes auprès des habitant·es des quartiers les plus pauvres et des foyers ouvriers d’Aubervilliers ont fait état d’un fort besoin d’apprendre à mieux lire, écrire et parler le français. Les cours de français, adaptés aux situations individuelles des participant·es, ont été la première activité mise en place.
Les volontaires s’attachent à comprendre comment chacun·e des participant·es apprend. Autrement dit, ils et elles sont attentives avant tout à ce qui opère pour chacun·e des apprenant·es, et ce qui fait obstacle, de façon chaque fois singulière, découvrir ainsi sa propre méthode. Les inégalités d’apprentissage sont prises en compte et fonctionnent à l’École des Actes comme un facteur d’émulation réciproque, non selon des rapports de supériorité et d’infériorité. Ces obstacles surmontés, la chance et la fierté de pouvoir étudier, quel que soit l’âge, l’emportent.
Délibérément, le travail du français ne se constitue pas avec des méthodes de pédagogie déjà existantes. Les groupes se sont organisés de la manière suivante : groupe des « Lecteurs » (qui savent déjà bien déchiffrer et veulent mieux comprendre ce qu’ils et elles lisent), groupe des « Écrivains » (qui veulent mieux écrire pour formuler leurs pensées), groupe des « Mains trop rapides » (qui souhaitent apprendre à organiser leur écriture dans l’espace), groupe des « Débrouillards » (qui jusqu’à présent se sont débrouillé·es avec les mots, sans jamais avoir appris à l’école), groupe des « Minuscules » (qui veulent apprendre à écrire en lettres minuscules ou attachées).
Le dispensaire
Dans le travail de son dispensaire, l’École des Actes est traversée par la conviction que, si on veut accueillir décemment les personnes exilées qui entrent sur le territoire, il faut leur fournir une offre de santé à hauteur de ses idéaux d’hospitalité. Elle est aussi persuadée qu’une médecine de proximité et accessible est nécessaire pour prendre en charge les personnes à temps, avant que des pathologies potentiellement bégnines ne se compliquent.
En travaillant étroitement avec les populations précaires bénéficiaires du projet et avec des soignant·es bénévoles, l’École des Actes a pensé plusieurs actions pour servir ces idées : leçons sur le corps et la médecine, réseau d’entraide plurilingue, permanences administrative et de santé, accueil et soutien psychologique.
Les permanences de droit
Des préoccupations autour du droit et du travail, notamment en regard de la précarité des situations des participant·es, sont venues alimenter les activités de l’École des Actes. Un atelier de droit a lieu chaque semaine à l’École des Actes avec comme objectif de rendre les personnes autonomes sur les questions qui les concernent. La complexité qui caractérise le droit implique qu’individuellement, les personnes sont rarement en état de connaître et de défendre pour leur propre compte ce à quoi elles ont droit, ni de comprendre les procédures qui sont exigées d’elles. Les ateliers de l’École des Actes permettent d’acquérir et de partager le plus possible avec tou·tes une connaissance minimale permettant de comprendre et de traiter du mieux possible les dossiers en cours.
Les ateliers artistiques
Toutes ces activités ont une utilité finale : la lutte contre l’exclusion. C’est pourquoi l’École des Actes développe aussi des activités artistiques, permettant la rencontre entre natif·ves et nouveaux·elles venu·es et l’intégration au sein d’une culture reconnue – favorisant ainsi le lien social pour les personnes isolées – à travers différents ateliers de pratique artistique.
Enfin, en 2022, deux nouveaux ateliers se développent, l’un autour de la pratique de la couture et l’autre autour de la connaissance de l’ordinateur et l’autonomie numérique.
Quelques mots en guise de conclusion
Au départ, l’École des Actes a commencé avec juste le français et les assemblées. Ce qui est apparu ensuite l’a été à la demande des participant·es, selon leurs désirs et leurs besoins. Tout ce qui est rapporté là a donc le statut d’un « work in progress », dans la mesure où l’École se développe à partir de ses ressources internes, de ce qui s’y invente collectivement, et selon les rencontres qui se nouent. C’est une multiplicité en expansion.
Aujourd’hui, l’École des Actes est dans un moment d’ouverture : ouverture à des participant·es nouveaux·elles venu·es, ouverture à des propositions d’activités de leur part, ouverture à des bénévoles qui s’y intéressent et la rejoignent. Pour accompagner ce développement, elle s’entoure de partenaires nouveaux sur tout le territoire francilien.
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